Les mutations du monde du travail (marquées par l’individualisation et l’intensification du travail), la complexité des tâches et l’exigence croissante des clients ont un impact important sur la santé mentale des salariés.

D’après les chiffres de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie, la pathologie qui engendre le plus grand nombre de jours d’arrêt de travail est le syndrome dépressif. En 2022, ce syndrome, ainsi que les troubles anxiodépressifs mineurs, a représenté :

  • 20,5% des arrêts prescrits 
  • 38 millions de jours d’arrêt de travail 
  • 1,4 milliard d’euros

Dans ce contexte, quelles sont les obligations de l’employeur en matière de santé mentale des salariés ? Nos avocats en droit social vous répondent. 

Quelle est la responsabilité de l'employeur concernant la santé mentale de ses salariés ? 

Le Code du travail oblige les employeurs à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de leurs salariés.

Ces mesures doivent comprendre :

  • Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail 
  • Des actions d'information et de formation
  • La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés 

Concrètement, quelles sont les obligations de l'employeur ? 

La santé mentale des salariés est directement liée à la gestion des risques psychosociaux (RPS). Ces risques peuvent être générés par l’activité même du salarié ou par l’organisation et les relations de travail. Ils correspondent à des situations de travail où sont présents (combinés ou non) :

  • Du stress : déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes de son environnement de travail et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face ;
  • Des violences internes commises au sein de l’entreprise par des salariés : harcèlement moral ou sexuel, conflits exacerbés entre des personnes ou entre des équipes, etc. ;
  • Des violences commises sur des salariés par des personnes extérieures à l’entreprise : insultes, menaces, agressions, etc. 

Indépendamment de leurs effets sur la santé mentale des salariés, les risques psychosociaux ont un impact sur le fonctionnement de votre entreprise (absentéisme, turnover, ambiance de travail, désorganisation…). Il est donc nécessaire de mettre en œuvre les actions nécessaires pour les prévenir.

Les obligations de l’employeur pour prévenir les risques psychosociaux et favoriser la santé mentale au travail reposent sur deux actions principales : évaluer et prévenir les risques psycho-sociaux. 

Evaluer les risques psycho-sociaux

Comme pour les autres risques liés à la sécurité et à la santé des salariés, l’évaluation des RPS est le premier axe de la prévention. Le Code du travail précise que l’employeur doit procéder à l’évaluation de ces risques en tenant compte de la nature de l’activité.

Quel que soit l’effectif de votre entreprise, les résultats de cette évaluation doivent obligatoirement être transcrits et mis à jour dans le Document Unique d'Evaluation des Risques Professionnels (DUERP).

Pour en savoir plus sur le Document Unique d'Evaluation des Risques Professionnels (DUERP), consultez notre article dédié

Prévenir les risques psycho-sociaux

Le deuxième axe de la prévention des RPS consiste à mettre en place un plan d'action visant à protéger vos salariés. En effet, les entreprises doivent mettre en œuvre des actions de prévention qui visent à supprimer les sources des risques psycho-sociaux identifiés.

Ces mesures doivent figurer dans le DUERP. Il peut notamment s’agir de :

  • La prévention du harcèlement et de la violence sous toutes ses formes (information de la prohibition de tels actes et de la procédure mise en place en cas de survenance) ;

  • L'amélioration du cadre et des moyens de travail (soutien de la direction aux équipes, développement de la cohésion, clarification des rôles et des missions des managers, échanges sur la charge de travail, équilibre entre le contrôle du manager et l’autonomie du collaborateur, communication sur les objectifs de l'entreprise, information et implication des salariés dans la conduite des changements, etc.) ;

  • La formation de l'ensemble des acteurs de l'entreprise (formation des managers, formation sur le harcèlement moral et sexuel, etc.) ;

  • L'information et la consultation des salariés et/ou des représentants du personnel avant de mettre en œuvre un changement impactant vos collaborateurs (ajustement des horaires de travail, modification de la politique de rémunération, etc.) ;

  • La mise en place d’échanges avec le médecin du travail pour identifier les actions nécessaires.

Les ressources humaines ont un rôle à jouer dans la prévention des risques sociaux. Pour en savoir plus, consultez notre article dédié.  

Quelles sont les sanctions encourues en cas de non-respect de ces obligations ? 

Sanction civile

En cas de mise en danger de vos salariés, même si elle ne conduit pas à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, les salariés concernés peuvent saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir réparation des préjudices liés à votre manquement.

Les salariés peuvent aussi demander la rupture de leur contrat de travail, aux dépens de votre entreprise. Dans ce cas, vous devrez leur verser les compensations financières qui résultent de la rupture du contrat. 

En cas de non-respect de vos obligations, la responsabilité de votre entreprise peut également être engagée sur le fondement de la reconnaissance de la faute inexcusable, ce qui peut entraîner de lourdes sanctions financières.

Par exemple, si un salarié est victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et que la faute inexcusable de l'employeur est reconnue, la Sécurité sociale verse une rente au salarié, qui peut être majorée jusqu’à 50 % en fonction de la faute commise par l’employeur. C’est l'employeur qui est responsable du paiement de cette majoration. Il peut aussi être condamné à verser des indemnités supplémentaires au salarié pour compenser le préjudice subis. 

💡 Bon à savoir : tout manquement de l’employeur à l’obligation légale de sécurité constitue une faute inexcusable dont il est tenu envers ses salariés dès lors que :

  • Il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié 
  • Et n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Sanction pénale

L’exposition de vos salariés à un risque identifié, sans prendre les mesures de prévention nécessaires, peut conduire à une condamnation pénale au tribunal correctionnel. Des poursuites pénales peuvent notamment être engagées en cas de harcèlement moral.

Vous souhaitez en savoir plus sur la responsabilité civile et pénale du dirigeant ? Consultez notre article dédié

Impact en matière de cotisations sociales

Lorsque la santé mentale d’un salarié est affectée à cause de conditions de travail défaillantes, cela peut être reconnu comme un accident du travail ou une maladie professionnelle. Dans cette situation, la Sécurité sociale prend en charge les coûts liés aux soins, arrêts de travail ou incapacités qui en découlent.

Cette prise en charge entraîne un ajustement de vos cotisations sociales via le système de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT/MP). En effet, le taux de cotisation de votre entreprise est ajusté chaque année en fonction de votre sinistralité, c'est-à-dire du nombre d’accidents ou maladies professionnelles déclarés au sein de votre entreprise. Plus ce taux est élevé, plus vos cotisations AT/MP augmentent.

Ainsi, un échec dans la prévention des risques psychosociaux peut non seulement nuire à la santé de vos salariés, mais également alourdir significativement vos cotisations sociales.

Pour en savoir plus sur les leviers à mettre en place pour optimiser la gestion des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT/MP), consultez notre article dédié

 

👉 Les risques psychosociaux ont un impact direct sur la performance de votre entreprise : absentéisme, turnover, baisse de la productivité, dégradation du climat social... Ignorer ces risques, c'est prendre le risque de voir votre responsabilité engagée sur le plan civil et pénal. Au-delà des conséquences financières, c'est l'image de marque de votre entreprise qui peut en pâtir. Il est donc essentiel de mettre en place une politique de prévention efficace, en s'appuyant sur une évaluation précise des risques et des actions concrètes.

 

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