11.06.24
(mis à jour le 23.09.24)
Dans l’esprit de la plupart des salariés, la négociation annuelle obligatoire (NAO) est uniquement associée à la négociation annuelle sur les salaires. Pourtant, la NAO impose à l’employeur et aux représentants syndicaux de se réunir régulièrement pour négocier sur des sujets bien plus larges que la rémunération.
Nos avocats en droit social vous présentent dans cet article tout ce que vous devez savoir de la négociation annuelle obligatoire, en l’absence d’un accord d’adaptation (accord collectif entre l’employeur et les représentants du personnel visant à adapter certaines dispositions légales ou conventionnelles aux spécifiés de l’entreprise, sous réserve de respecter le cadre légal).
Quelles sont les entreprises concernées par la négociation annuelle obligatoire (NAO) ?
Les entreprises concernées par la NAO sont celles où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives et dans lesquelles un ou plusieurs délégués syndicaux ont été désignés par des organisations syndicales représentatives.
Toutes les entreprises d’au moins 50 salariés, au sein desquelles au moins un délégué syndical a été désigné, sont donc nécessairement concernées par la NAO.
Mais les entreprises de moins de 50 salariés peuvent aussi être concernées par la NAO, si elles sont dotées d’au moins un délégué syndical. Cela peut être le cas dans deux situations :
- Soit lorsque des dispositions conventionnelles abaissent ou suppriment l'effectif requis pour la désignation d’un délégué syndical (à savoir 50 salariés)
- Soit lorsqu'un membre du CSE élu sur présentation d'une organisation syndicale est désigné comme délégué syndical
Quels sont les thèmes à aborder ?
Les thèmes à aborder lors des négociations annuelles obligatoires sont définis par le Code du travail. Les sujets à négocier obligatoirement sont regroupés en trois blocs :
Négociation annuelle sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise
Cette négociation porte sur :
- Les salaires effectifs,
- La durée effective et l'organisation du temps de travail,
- L'intéressement, la participation et l'épargne salariale,
- Le suivi de la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes.
Négociation annuelle sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie et conditions de travail (QVCT)
Cette négociation porte sur :
- L'articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle pour les salariés,
- Les objectifs et les mesures permettant d'atteindre l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes,
- Les mesures permettant de lutter contre toute discrimination en matière de recrutement, d'emploi et d'accès à la formation professionnelle,
- Les mesures relatives à l'insertion professionnelle et au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés,
- Les régimes de protection sociale complémentaire,
- L'exercice du droit d'expression directe et collective des salariés,
- Le droit à la déconnexion,
- Dans les entreprises dont 50 salariés au moins sont employés sur un même site, les mesures visant à améliorer la mobilité des salariés entre leur lieu de résidence habituelle et leur lieu de travail.
Négociation triennale sur la gestion des emplois et des parcours professionnels et la mixité des métiers
Cette négociation ne concerne que :
- Les entreprises et les groupes d'entreprises d'au moins 300 salariés
- Les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire comportant au moins un établissement ou une entreprise d'au moins 50 salariés en France
Elle porte sur :
- La mise en place d'un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences,
- Les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l'entreprise,
- La formation professionnelle,
- Les perspectives de recours par l'employeur aux différents contrats de travail, au travail à temps partiel et aux stages et les moyens mis en œuvre pour diminuer le recours aux emplois précaires,
- Les conditions dans lesquelles les entreprises sous-traitantes sont informées des orientations stratégiques de l'entreprise ayant un effet sur leurs métiers, l'emploi et les compétences,
- Le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et l'exercice de leurs fonctions.
Comment mettre en œuvre la négociation annuelle obligatoire au sein de votre entreprise ?
Qui l'engage ?
C’est à l’employeur de prendre l’initiative d’engager les négociations obligatoires. Il doit inviter à la négociation toutes les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise.
Pour une question de preuve, il est préconisé de procéder à cette invitation par écrit (lettre recommandée avec accusé de réception, lettre remise en main propre contre décharge ou, a minima, par mail).
En cas de carence de l’employeur, une organisation syndicale représentative peut faire la demande expresse d’ouverture d’une négociation. L’employeur est alors tenu de :
- Transmettre la demande de négociation aux autres organisations représentatives dans les huit jours
- Convoquer les parties à la négociation dans les quinze jours
Qui participe ?
Comme toute négociation d’accord collectif, la NAO se négocie entre l'employeur et les organisations syndicales de salariés représentatives dans l'entreprise.
Ainsi, participe à la NAO :
- Une délégation patronale, composée de l’employeur ou de son représentant. Il est admis que l’employeur puisse se faire assister au cours de la négociation, sous réserve que la délégation patronale ne soit pas plus importante que la délégation salariale.
- Une délégation salariale, qui comprend pour chacune des organisations syndicales représentatives, le délégué syndical de l'organisation dans l'entreprise ou, en cas de pluralité de délégués, au moins deux délégués syndicaux. Chaque organisation syndicale peut compléter sa délégation par des salariés de l'entreprise.
A défaut d’accord, le nombre de salariés par délégation doit être au plus égal au nombre de délégués syndicaux de la délégation. Toutefois, dans les entreprises pourvues d'un seul délégué syndical, le nombre de salariés peut être porté à deux.
💡 Bon à savoir : Sauf accord contraire des négociateurs, ni la délégation patronale ni la délégation salariale ne peuvent comprendre des personnes étrangères à l'entreprise.
Quel est le calendrier à respecter ?
La négociation annuelle obligatoire suppose au minimum la tenue de 2 réunions :
- Une réunion préparatoire, au cours de laquelle sont précisés le lieu et le calendrier des réunions de négociation, les informations que l'employeur remettra aux délégations syndicales, ainsi que la date de cette remise
- Une ou plusieurs réunions dédiées aux négociations
💡 Bon à savoir : La détermination du calendrier des négociations est essentielle puisque, tant que la négociation est en cours, l'employeur ne peut pas arrêter de décisions unilatérales sur les sujets en cours de négociation (sauf si l'urgence le justifie).
Qu'en est-il de l'issue d'une NAO ?
Le Code du travail oblige l’employeur à ouvrir, de manière loyale et sérieuse, des négociations avec ses partenaires sociaux. En revanche, il ne l’oblige pas à conclure un accord.
En cas de conclusion d'un accord
L’accord conclu à l’issue de la NAO est soumis aux mêmes règles que les accords collectifs. Ainsi, l’accord doit être :
- Un accord majoritaire,
- Notifié à l’ensemble des organisations syndicales représentatives de l’entreprise,
- Déposé auprès de l’administration via la plateforme de téléprocédure des accords,
- Rendu public et versé sur Légifrance dans une forme anonymisée,
- Transmis à la commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation de la branche s’il porte sur la durée du travail et/ou les congés payés,
- Déposé auprès du Conseil de prud’hommes compétent,
- Communiqué aux salariés, selon les modalités prévues par l’accord.
En l'absence de conclusion d'un accord
Si, au terme de la négociation, aucun accord n'a été conclu, il est établi un procès-verbal de désaccord. Ce procès doit consigner, en leur dernier état, les propositions respectives des parties et les mesures que l'employeur entend appliquer unilatéralement.
Ce procès-verbal doit faire l’objet des mêmes formalités de dépôts auprès de l’administration et du Conseil de prud’hommes qu’un accord.
👉 La négociation annuelle obligatoire est un outil important de dialogue social. Le non-respect par l’employeur de ses obligations en la matière l’expose à des sanctions pénales (délit d’entrave : emprisonnement d'un an et amende de 3 750 €) et civiles (dommages et intérêts à verser aux salariés et aux syndicats, pénalité financière fixée par l’administration et correspondant à un pourcentage des exonérations de cotisations dont l’entreprise a bénéficié).
Toutefois, les règles supplétives prévues en matière de NAO par le Code du travail peuvent, en fonction de la situation de chaque entreprise, être inadaptées voire lourdes à mettre en œuvre. Dans ce contexte, les ordonnances « Macron » du 22 septembre 2017 ont donné davantage de latitude aux partenaires sociaux dans l’adaptation de la négociation obligatoire. Sous réserve de respecter quelques principes, les partenaires sociaux peuvent, depuis 2017, adapter de nombreux points de la négociation obligatoire dans le cadre d’un accord d’entreprise, dit « accord d’adaptation ».
Les entreprises concernées par la NAO ont donc tout intérêt à négocier un accord pour adapter et alléger leurs obligations en matière de négociation collective, tout en les respectant.
Découvrez notre accompagnement